Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux aujourd’hui d’être devant vous.
Et je vous remercie de votre accueil et de l’opportunité que vous m’offrez de vous présenter ma candidature et mon projet. Je vous remercie également d’avoir organisé un processus démocratique par lequel tous les candidats peuvent s’exprimer à égalité.
Nous avons 45 minutes. J’ai privilégié un exposé court qui ne reprendra donc pas l’ensemble de mes propositions, afin de vous permettre de me poser toutes les questions que vous jugeriez utiles, sur mon parcours ou mon programme.
Avant cela, je vous dirai rapidement qui je suis, mon parcours et pourquoi je pense devoir présider le Medef.
J’exposerai ensuite le projet que je porte sous le titre « Medef, le nécessaire Big Bang patronal« .
Mon histoire
Je m’appelle Hervé Lambel, j’ai eu 48 ans hier, je suis marié, père de deux filles. Investisseur dans le secteur du numérique, je suis chef d’entreprise dans le secteur de la production audiovisuelle et je suis président du Cerf.
Je suis issu d’un ligné d’entrepreneurs qui remonte au moins à 1890. La famille Lambel était le premier fabricant et vendeur d’escargots préparés en France jusqu’à la fin des années 60.
Mon père, Louis Lambel, multi-entrepreneur et innovateur était, de son côté, le propriétaire du Passage du Havre où nous exploitions des activités de restauration, de commerce et d’immobilier. Il était également fortement investit dans la représentation patronale auprès du Synhorcat et de la CGPME : leurs présidents respectifs ont tous été des amis jusqu’au départ de Lucien Rebuffel de la présidence de la CGPME.
Pour ma part, j’ai grandi et fait mes études en commerce international dans ce foisonnement entrepreneurial auquel j’ai participé dès mon plus jeune âge. Je suis passé par tous les métiers et toutes les fonctions qu’offraient les entreprises paternelles qui ont compté jusqu’à 120 salariés.
Au tournant des années 90, nous vendons le Passage du Havre et l’ensemble de nos affaires. Peu de temps après, mon père à 70 ans est mis en examen et incarcéré par Mme Eva Joly qui soupçonne des malversations à l’occasion de cette vente. La totalité des avoirs de la famille que nous projetions de réinvestir sont alors bloqués. Démarre un combat judiciaire qui durera 12 ans, au terme duquel mon père se verra totalement mis hors de cause par une décision de non-lieu. 15 jours plus tard, il fera un infarctus, dont il décèdera des suites deux ans plus tard. 6 mois après son décès, son épouse, recevra un chèque de l’administration fiscale en remboursement de sommes trop perçus et attestant de la parfaite légalité de cette opération.
Le syndicalisme
Pendant toutes ces années, nous ne sommes pas restés inactifs.
Nous avons décidés, associés à d’autres chefs d’entreprises, de fonder une organisation patronale afin de défendre les entrepreneurs. Les Créateurs d’emplois et de richesse de France, le Cerf, est fondé fin 2002 et propose dès janvier 2003 l’exonération de charges et la défiscalisation des heures supplémentaires pour combattre les effets néfastes de la loi sur les 35 heures.
Je me souviens avec un certain amusement que Madame Parisot, écrivant au nom du Medef, critiqua cette mesure avant l’élection présidentielle de 2007 dans son livre « Besoin d’aire ». Elle lui trouva ensuite des qualités vertueuses en 2011 au moment où le gouvernement Fillion voulait lui apporter des modifications.
Oui, cette mesure apportait flexibilité et baisse du coût du travail, tout en assurant une hausse des revenus des salariés.
Cet exemple illustre l’approche pragmatique, innovante, qui a été celle que j’ai menée depuis dix ans au Cerf en tant que porte-parole, puis en tant que président. Nous avons irrigué de nos propositions, observations et alertes la sphère entrepreneuriale, économique et politique.
Notre positionnement, répondant aux besoins des entreprises, nous vaut de progresser à chaque élection professionnelle : les listes que nous avons présentées aux CCI en 2010 ont rassemblé en moyenne 40% des suffrages. Et quand nous n’étions pas dans des listes d’union ensemble, il nous est arrivé à plusieurs reprises de battre des listes du Medef.
Le contexte d’intensification de la crise, et l’urgence qui en découle, m’a rendu évidente la nécessité de rassembler l’ensemble des forces patronales autour d’un grand syndicat qui défendrait les intérêts des entreprises et des entrepreneurs.
C’est la raison qui m’a conduit à porter ma candidature à la présidence du Medef, pour mettre en œuvre cette mobilisation au sein du Medef. Vous comprendrez donc mieux le titre de mon programme intitulé « Le nécessaire Big Bang patronal ». Un Big Bang n’est pas une destruction. C’est un commencement. Un renouveau. Je vous propose de transformer le Medef en une organisation du 21ème siècle.
Des constats
Compte tenu de mon souhait de pouvoir échanger avec vous, je me limiterai à 3 constats que je considère essentiels pour introduire mes propositions.
Mon 1er constat concerne le débat autour de la rémunération des chefs d’entreprises : savez-vous quel est le revenu mensuel moyen d’un chef d’entreprise ?
50 K €, 150 €, 1 million, 4 €, ce montant à partir duquel nous serions riches ? L’analyse des données INSEE permet d’établir le revenu mensuel moyen des patrons à 1890 € ! De quelle marge de manœuvre disposent des chefs d’entreprises qui gagnent 1890 € par mois, pour faire face au moindre aléa économique ou pour investir ? Un pays où les patrons gagnent si peu a du souci à se faire pour son avenir… (Et j’ajouterai que toute l’énergie dépensée à stigmatiser les hauts revenus divise les Français et nous éloigne des vrais problèmes à régler. Ce sera une de mes lignes de communication pour réconcilier les Français avec leurs entrepreneurs).
Le second constat, qui s’explique en partie par le premier, concerne le niveau anormalement élevé des défaillances d’entreprises comparativement à nos voisins et concurrents. Nous détruisons ainsi une fois et demie plus d’entreprises que nos voisins allemands ou anglais. La crise, qui n’a fait que renforcer cette tendance, a permis de mettre en évidence le problème structurel du financement des entreprises.
Enfin, le 3ème constat découlant des deux premiers, se traduit par le sentiment exprimé par 72 % des chefs d’entreprises que les organisations patronales défendent mal les intérêts des entreprises. Cela conduit à la création d’une multitude d’initiatives associatives, de clubs, de réseaux d’entrepreneur que l’internet rend de plus en plus visible et organisés, mais également de mouvement comme le Cerf qui progressent dans les élections professionnelles ou de mouvements épisodiques comme les pigeons. Et ne nous trompons pas cette défiance a une incidence sur le plan politique, c’est une des raisons majeures de la montée du vote populiste.
Des propositions
Les propositions que je vais vous présenter sont des éléments de réponse à ces constats.
Le financement des entreprises a toujours été assuré en France par la marge et la trésorerie des entreprises, non par les fonds propres.
Il appartient au Medef de construire le nouveau cadre qui permettra de passer de cet ancien modèle à celui où les fonds propres assureront la stabilité de nos entreprises.
Mais les entreprises n’ont pas le temps d’attendre. Il faut un premier choc.
Dans ces conditions je porte 2 propositions sur le plan fiscal pour soutenir le financement immédiat des entreprises françaises.
1- Première mesure : la suppression de la TVA interentreprises
Je propose que les entreprises se facturent entre elles sans TVA, l’impôt étant collecté par le dernier vendeur auprès du consommateur final.
Cette mesure peut être prise immédiatement par le Parlement français en modifiant l’article 283 du Code Général des Impôts.
Cette simplification qui ne modifie pas l’assiette de la TVA aura pour conséquences :
-Pour les entreprises :
- La restitution de 20 milliards d’euros de trésorerie, immobilisés au titre de l’avance de TVA consentie par les entreprises à l’Etat ;
- et la réduction des coûts de traitement administratif de 750 millions d’euros par an.
(International – Commerce extérieur)
-Pour Bercy cette mesure provoquera :
- La réduction des coûts de traitement de 300 millions d’euros par an ;
- la réduction de la fraude à la TVA de l’ordre de 6 milliards d’euros, pour une fraude évaluée à 10 milliards.
2- Je propose en outre que l’Impôt de Solidarité sur la Fortune soit transformé en Investissement Solidaire pour le Financement
Parce que nous avons bien compris qu’aucun politique, surtout en période de crise, ne prendra la décision de supprimer un des impôts les plus absurdes et destructeurs, nous devons trouver le moyen d’en supprimer les effets négatifs.
Le nouvel ISF permettra d’apporter l’intégralité de l’ancien ISF au financement des entreprises en levant tous les plafonds qui limitent le dispositif ISF PME. Soit 3 milliards supplémentaires pour le financement de l’économie réelle. (via l’ISF PME et/ou la BPI).
Si la mesure devait être plus travaillée, il serait envisageable que l’Etat fixe des secteurs prioritaires ouvrant droit à des abattements sur les plus-values de cession.
Le deuxième choc que je vais vous expliquer, c’est le choc social et il touche également le financement et la compétitivité des entreprises.
Je propose la diminution du coût du travail par une prise en charge par l’impôt d’une part plus importante de la protection sociale. Cela aurait pour effet immédiat d’améliorer les marges et la trésorerie des entreprises, et le pouvoir d’achat des salariés.
Vous le savez tous les 450 milliards € de financement de la sécurité sociale sont aujourd’hui extrêmement mal répartis, mal utilisés. Que l’on soit bien clair, je ne suis pas contre la protection sociale.
En revanche, l’utilisation qui en est faite aujourd’hui, et le vieillissement très profond d’un système inventé en 1945 qui ne correspond plus aux besoins de notre époque, sont des problèmes. Un déficit de plusieurs dizaines de milliards que nous ne pouvons plus assumer, la France premier pays au monde en termes de dépenses sociales – 32% de notre richesse produite – pour des résultats reconnus comme médiocres : les Français ne sont pas mieux soignés que les Allemands alors que nous dépensons près de 20% de plus qu’eux ! Et, surtout, ce système est injuste : il est financé au ¾ par les actifs (25M de personnes), pour près de 70 millions d’habitants ! Autrement dit, les ¾ de la protection sociale du pays sont financés par 1/3 de la population.
Cette mesure sera un des éléments fondamentaux de l’amélioration des conditions de vie des Français et de la vie des entreprises et du retour sur la voie de la prospérité.
Pour ce faire, je demanderai, une fois élu, un nouveau round de concertation avec les partenaires sociaux, sur le financement de la protection sociale. Et je plaiderai pour une fiscalisation des recettes de protection sociale.
Troisième choc, c’est le choc juridique.
C’est peut-être le plus difficile à expliquer aujourd’hui, mais c’est le plus salutaire. Nous sommes héritiers d’une conception du dialogue social qui est complètement dépassée et obsolète, qu’aucun pays industrialisé ne porte plus. Ni l’Allemagne, ni la GB, ni les USA, ne dialoguent de façon aussi rigide, et à aussi courte vue qu’en France. La France a décidé de centraliser le dialogue social et d’en réduire le plus possible la portée.
Centralisé, parce que l’essentiel se fait au niveau national et interprofessionnel en produisant des normes s’appliquant de façon uniforme et aveugle à toutes les entreprises du pays. Or, nous savons tous qu’une entreprise industrielle soumise à la concurrence internationale n’a pas les mêmes contraintes, ni les mêmes besoins qu’une entreprise essentiellement tournée vers le marché intérieur, ni qu’une banque d’affaires ou de dépôt. La diversité des acteurs et des situations doit conduire à diversifier les normes en matière de droit du travail applicable aux entreprises. Ce que je propose, c’est d’entamer un processus de diversification, en déplaçant le centre de gravité du dialogue social du monde interprofessionnel, vers les entreprises, en laissant les entreprises, au jour le jour, négocier les accords qui leur permettront de se doter des normes du droit du travail les mieux adaptées à leurs besoins, par un dialogue social ouvert entre l’employeur et les salariés et leurs syndicats représentatifs. Représentatifs par l’élection au sein de l’entreprise.
J’entamerai donc ce processus qui visera à réduire au maximum les négociations interprofessionnelles et en plaidant auprès du gouvernement pour que l’on puisse négocier par accord d’entreprise l’ensemble des normes applicables à l’entreprise, y compris les rémunérations, y compris la durée de temps de travail.
Sur ce point, je veux être bien clair : beaucoup d’organisations syndicales, font vivre l’illusion que la négociation sociale centralisée est la meilleure protection pour le droit du travail. Je soutiens le contraire. Notamment parce que la négociation est centralisée, les négociateurs, employeurs y compris, se brident sans répondre aux exigences du terrain qui ne cessent de s’imposer aux entreprises. Ils refusent ainsi, pour ne pas pénaliser des entreprises, des droits ou avancées qui seraient supportables par les uns, mais pas par les autres. En déplacement la négociation vers l’entreprise, j’ouvre la voie vers des avancées nouvelles, des gains nouveaux.
Un Medef s’appuyant sur les Fédérations
Vous l’avez compris, dans ce modèle, sa place est rendue aux entreprises et à leurs acteurs. Les fédérations auront donc un rôle primordial à jouer. Et c’est le sens de mon action, la vision que je porte : rassembler les fédérations et mobiliser les patrons. Car c’est en étant chez nous, pleinement, que notre légitimité ne pourra plus être discutée et nos apports et contributions remis en cause.
Une fois ce point acquis, je recentrerai l’action du Medef sur la représentation économique, pour porter une vision de l’entreprise, de l’économie qui produise les conditions de la prospérité, afin d’éclairer et de peser, le cas échéant, sur les décisions et l’action du politique.
Vous constaterez que les mesures que je propose sont pour l’essentiel immédiatement applicables et ne dépendent que du Parlement français.
Je ne crois plus en effet aux grandes promesses visant la finance internationale ou le grand capitalisme sur lesquelles nous n’avons pas de pouvoir réel. Ni le Medef, ni la France. En tout cas dans l’état de notre économie. Améliorons d’abord la rentabilité et la compétitivité de nos entreprises, c’est ainsi que nous rendrons sa puissance à la France.
Si ces propositions éveillent votre intérêt, voire votre enthousiasme, je vous invite à les porter avec moi, et à soutenir ma candidature à la présidence du Medef.
Je vous remercie de votre attention.