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Transformer la contrainte en opportunité

Un nouvel ISF non confiscatoire pour stimuler l’investissement,
l’activité, participer à l’équilibre budgétaire
et renouer avec l’amour de la France

Taxation de plus-values fictives en cas de cessions de biens reçus en donation à une valeur égale au prix de cession, imposition à la taxe sur les logements vacants d’habitation inhabitables, rétroactivité de l’abolition du prélèvement libératoire sur les produits de capitaux mobiliers en 2012, plafonnement à 75% de l’ISF…

L’invalidation récente par le Conseil Constitutionnel des projets fiscaux de l’actuel gouvernement pointe enfin du doigt un tabou typiquement français : celui de l’inégalité devant l’impôt. Car il est aussi question de cela… De dispositions attentatoires au droit !

Pourquoi l’ISF est un impôt confiscatoire

D’abord parce que tout impôt est confiscatoire quand il sert un Etat incapable de maîtriser sa dépense.

Pensé et mis en œuvre dans les années 1980, l’ISF visait théoriquement l’instauration d’une justice fiscale. Dans la pratique, l’idéologie a primé sur la rationalité économique, et il n’a été question que de « punir » ceux qui « jouiraient » d’un capital jugé trop important. A demi mot, le politique a donc consenti – sans chercher véritablement à s’en défaire depuis – à valider l’instauration d’une fiscalité aveugle, confiscatoire et contreproductive économiquement.

Pour preuve, aucune différence n’est faite à l’origine entre celui qui reçoit un capital, celui qui l’a constitué par son travail, et pire, celui qui est en train de le constituer par son travail.

Mais l’incohérence ne s’arrête pas là, puisqu’aucune distinction n’est faite entre le capital (des actions ou une entreprise) qui génère un revenu et celui, comme la résidence principale, qui n’en génère pas.

Et que penser de la base de calcul de l’ISF, totalement virtuelle, qui repose purement et simplement sur un prix référence dit « de marché ». Autrement dit, un prix qui n’a de réalité que le jour où la vente du bien immobilier est effectivement réalisée. Mais entre temps, la tendance à la hausse du marché sert directement le remplissage des caisses de l’Etat, tandis qu’en cas de baisse de la valeur des biens, aucun reversement n’est fait au contribuable au titre de la moins-value virtuelle. Ce dernier étant contraint, année après année, de payer sur des plus values virtuelles en sacrifiant du capital bien réel.

Ce mode de calcul absurde est le même que celui qui déboucha sur la création d’actifs toxiques, à l’origine de la crise des subprimes, où l’évaluation « au prix du marché » des biens des consommateurs américains, déconnectée de la réalité, les avait entraînés dans la spirale du surendettement.

Qu’un financier accepte de prendre un risque sur l’évaluation du bien qu’il prend en garantie relève de sa responsabilité de professionnel et des garanties qu’il met en place pour couvrir ce risque. Que l’Etat transforme cette notion de prise de risque du professionnel en valeur réelle pour le calcul de la valeur taxable, c’est, au mieux, tel que l’a démontré la crise des subprimes, une hérésie dangereuse, au pire, du vol.

Conçu d’après une idéologie moralisatrice supposée servir un sentiment de justice, l’ISF fait finalement office – à plus d’un titre – d’impôt confiscatoire au service de l’injustice et de l’inefficacité fiscale.

Pourquoi l’ISF est un impôt aux multiples effets pervers, qui coûte plus qu’il ne rapporte

Quand il s’agit d’aborder l’épineuse question de l’ISF, il n’est toutefois pas question que de morale, mais aussi et surtout de logique économique.

Et une fois encore, le paradoxe est tel qu’en dehors de l’intérêt court-termiste politique, il laisse les défenseurs de l’ISF sans réponse face à une question pourtant essentielle : cet impôt rapporte-t-il plus économiquement qu’il ne coûte à l’Etat ? Et dans le cas contraire, comment justifier rationnellement son existence ?

A ces deux questions, les multiples ajustements de l’ISF n’ont pas réussi à apporter de réponses crédibles.

Dans les faits, les effets dévastateurs sont bel et bien là… Et les exemples, soulignant que cet impôt n’a fait que desservir les intérêts économiques de la France et des Français, ne manquent pas :

-   Destruction de l’actionnariat familial, qui fait la force du modèle allemand en permettant le développement des TPE et PME dans la durée ;

-   Cession des entreprises à des groupes internationaux pour pouvoir payer les droits de succession ;

-   Départ de nombreuses fortunes, qualifié d’exil fiscal, mais aussi de hauts potentiels qui espèrent ne pas voir leur réussite sanctionnée ;

-   L’exemple du désormais célèbre couple de paysans de l’Ile de Ré, assujetti à l’ISF suite à la flambée du prix du mètre carré constructible, alors qu’il ne pouvait compter que sur un salaire de 1 000 euros mensuel.

Un dernier exemple criant de vérité, qui souligne la logique dévastatrice de pareil impôt. D’année en année, nouveaux revenus ou pas, l’Etat taxe votre patrimoine tant que celui-ci est supérieur ou égal à 1,3 millions d’euros…

En d’autres termes, l’Etat s’applique à faire fondre la détention en patrimoine, sans contrepartie, au seul nom d’une « justice fiscale » qui ne traduit qu’une logique destructrice sans volonté créatrice, car c’est le capital tout entier de la nation qui est ainsi accaparé et dilapidé.

Enfin, et l’argument économique est ici massu, nous sommes en présence d’un impôt qui rapporte peu (4,725 milliards d’euros pour 2012 selon prévisions officielles), coûte cher à collecter (près du double des autres impôts) et présente de nombreux effets pervers qui alourdissent son coût indirect :

-   Perte de recettes fiscales entraînée par le départ à l’étranger de foyers fiscaux, d’une part ;

-   Perte d’activité économique entraînée par les désinvestissements dûs aux départs précités, d’autre part.

Et ce sont les Français, en conséquence, qui doivent compenser par l’augmentation de leurs propres impôts les effets de l’impôt le plus mal pensé qui soit.

Pourquoi l’ISF est contraire aux fondements de notre Constitution

Pire, pareil impôt semble même contestable sur le plan juridique….

L’article 10 du préambule de la Constitution de 1946 pose que :

« La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».

Considérant l’ensemble des arguments précités, aussi bien moraux qu’économiques, l’ISF semble donc contraire à la Constitution.

Sauf à considérer que c’est l’Etat en France qui définit arbitrairement « les conditions nécessaires au développement de chacun »… Ce qui n’est pourtant prévu par aucun texte de loi, sachant que cela violerait le principe de liberté.

En cherchant à borner le développement de tout un chacun, l’Etat entretient donc sciemment la confusion juridique, et pire, n’hésite désormais plus à stigmatiser celles et ceux qui ne cherchent en fait qu’à préserver leurs intérêts économiques, ceux de leur famille, en voulant protéger le fruit du travail, de la prise de risque et de l’épargne.

Pour un nouvel ISF : l’investissement solidaire de fortune

Il ne s’agit pourtant pas de nier l’utilité que pourrait avoir la contribution des plus fortunés, car elle est réelle et incontestable. Mais il convient de s’assurer que celle-ci serve utilement et efficacement l’intérêt collectif, plutôt que des mobiles populistes qui n’ont comme pendant que l’incohérence économique généralisée.

Le dispositif ISF – PME, qui permet d’investir une partie de son ISF dans des PME et TPE, directement ou par l’intermédiaire d’un fonds, tout en réduisant l’impôt des contribuables, constitue les bases solides d’un élément de réponse…

Au-delà de l’équilibre budgétaire à tout prix, et des réformes structurelles qui le rendront possible, il est aussi et surtout question de relancer l’activité. Cette dernière étant le préalable au retour de la croissance, du plein emploi et de la restauration du pouvoir d’achat, en un mot, de la prospérité.

Les entreprises sont le seul et l’unique vecteur connu pour porter ce retour à l’activité. Leur développement est toutefois mis en péril, du fait notamment d’un accès insuffisant aux liquidités qui abondent pourtant sur les marchés financiers. La question est donc de savoir comment il est possible de réorienter une partie de ces liquidités vers le financement des acteurs de l’économie qui en ont le plus besoin.

Si l’Etat ne peut pas tout, demandons lui a minima d’inciter ! A défaut de prélever un impôt (ISF) avec tous les désavantages qu’il présente, pour une ressource in fine limitée, mieux vaut s’assurer que cette ressource serve là où un besoin est identifié. Et le fait est que les entrepreneurs français ont justement un besoin pressant de financement… Et si les institutions publiques de financement existent, la garantie de l’obtention d’un financement effectif reste incertaine.

Opérer la jonction entre la nécessité de réformer l’ISF et l’augmentation des liquidités en faveur des entreprises pourrait donc constituer la base d’une résolution viable des problématiques préalablement répertoriées. Et comme il est inconcevable de prélever impunément l’argent des grandes fortunes pour l’affecter aux entreprises, sans craindre leur départ, pourquoi ne pas transformer cet argent en investissement ?

Autrement dit, l’ISF en nouvel ISF. L’impôt de solidarité sur la fortune en investissement solidaire de fortune.

Ce nouvel ISF conserverait une assiette (hors résidence principale) et un taux pour déterminer les sommes que l’Etat demanderait aux plus fortunés d’investir dans certains pans de l’économie, afin de servir les intérêts ou les secteurs qu’il aurait répertoriés.

Un nouvel ISF au service de l’investissement, de l’activité, de l’équilibre budgétaire et favorable aux contribuables

Pareil cadre supposerait la suppression pure et simple des plafonds en vigueur de l’ISF, et près de 4 milliards d’euros (recette de l’ISF, déduction faite des frais de collecte et de redistribution) seraient mis directement à disposition de l’investissement. En sachant que cela ne représente que le minimum des liquidités réorientées vers le financement de l’activité, les investisseurs pouvant à loisir aller au-delà du minimum imposé.

De son côté, l’Etat pourrait se satisfaire à la fois de conduire une politique en faveur de l’équilibre budgétaire par la rationalisation de ses dépenses (plus de 50 millions d’euros d’économie sur la collecte de l’ISF), et de relancer efficacement l’activité par l’augmentation de capitaux disponibles,  nécessaires à son financement. Autrement dit, de montrer son engagement pour relancer la croissance, la création d’emploi et le pouvoir d’achat.

Le rendement des placements étant plus risqués, plus aléatoires, ils seraient assortis d’abattements fiscaux pour les rendre plus attractifs. Notre ancien assujetti à l’ISF pourrait donc choisir de préférer l’investissement, en sachant qu’il resterait propriétaire de son capital, et rendre du même coup un sérieux coup de pouce à la communauté.

Ainsi, et dans le but d’augmenter la part d’investissement disponible, il conviendrait évidemment d’aménager la taxation des plus-values sur la vente des titres réalisée dans ce cadre, afin de compenser le moindre rendement d’un acte solidaire et responsable. La voie serait ouverte pour la modernisation et la réappropriation de notre appareil de production.

Ceux qui toutefois refuseraient de servir les intérêts de l’économie réelle, en même temps que les leurs, seraient, eux, pénalisés ils seraient alors taxés à l’ISF ancienne version, se voyant prélevés intégralement du montant du placement qu’ils avaient la possibilité d’effectuer. Aux mêmes maux, les mêmes remèdes ! Les fonds d’investissement, banques ou investisseurs privés qui constitueraient des réserves trop importantes en ne plaçant pas les sommes qui leur seraient ainsi confiées, seraient eux aussi pénalisés.

Avantage notable, une telle démarche présente en plus l’intérêt non négligeable de la suppression pure et simple du caractère confiscatoire de l’ISF ancienne version. Et permettrait aussi de ne pas priver les établissements bancaires de liquidités prises en compte dans le calcul de leur taux de solvabilité qui leur sert par ailleurs à financer le crédit.

En agissant de la sorte, la France pourrait enfin sortir du carcan moral de l’impôt, de l’idéologie absurde au service de l’incohérence économique. Un message fort serait adressé à ceux qui démarrent dans la vie, riches du rêve d’un Eldorado à construire ailleurs, comme aux fortunes à haut potentiel : « Riches, revenez, l’amour de la France n’est pas une contrainte !