Proposition de réformes fiscales de crise assorties de prêts de trésorerie |
- Le constat
Hormis les professions libérales exerçant sous forme individuelle (qui échappent aux règles du code de commerce, leurs obligations fiscales en BNC étant de tenir une comptabilité de trésorerie avec un résultat égal aux recettes encaissées diminuées des dépenses décaissées), les entrepreneurs payent un impôt (IS ou IRPP) calculé sur le bénéfice déterminé selon les principes de la comptabilité d’engagement.
Cela signifie que l’impôt est dû sur un bénéfice qui n’est que partiellement encaissé.
Les sources de décalage entre bénéfice en mode engagement ou en mode trésorerie sont plurielles :
- - Investissements décaissés mais dont la déduction est étalée sur plusieurs années par le biais des amortissements (également investissements non déductibles comme un fonds de commerce ou un dépôt de garantie) ;
- - Besoin en Fonds de Roulement – BFR (stock + encours clients – dettes fournisseurs) ;
- - Ecritures d’inventaire : charges et produits constatés d’avance, charges et produits à répartir, charges à payer et produits à recevoir, provisions pour risques et charges.
Avec des taux de marge de plus en plus faibles, et des niveaux de fonds propres souvent insuffisants, les entreprises peuvent se retrouver en difficulté financière du seul fait de l’impôt à payer sur la partie non encaissée de leur bénéfice. Les entreprises dont le taux de marge nette est inférieur au rapport de leur BFR sur le chiffre d’affaires, rencontrent intrinsèquement des difficultés de financement de leur croissance. Ces difficultés sont accentuées par l’impôt sur leur bénéfice non encaissé.
Cette mécanique de calcul et de collecte de l’impôt est injuste et économiquement contestable puisque qu’elle repose sur une idée de partage du bénéfice avec la collectivité. Or le bon sens rappelle qu’on ne peut partager que ce dont on dispose.
- L’objectif visé
L’idéal serait de modifier le mode de calcul du bénéfice ou de collecte de l’impôt pour que ce dernier ne vise que la quotité encaissée du bénéfice, ce qui reviendrait d’un point de vue fiscal uniquement à déterminer le bénéfice en mode trésorerie. En effet, le système actuel consiste à demander aux entreprises de pré-financer l’impôt sur la quote part non encaissée du bénéfice, ce qui au-delà de la pertinence pose la question de la capacité dès lors que les banques sont peu favorables au financement du BFR et que le plus souvent les entreprises ne disposent pas des réserves de trésorerie pour autofinancer cette avance d’impôt.
- Les contraintes
Une réforme de cette ampleur présenterait un coût élevé pour l’Etat et pourrait être perçue par le grand public comme un cadeau fait aux entreprises en temps de crise.
Le principe de justice est généralement perçu non pas comme un traitement égal pour tous mais un traitement différencié consistant à tous les niveaux à pondérer les contributions en fonction de la capacité contributive.
Une mesure qui serait intrinsèquement porteuse de justice économique – dès lors que collecter un impôt sur un bénéfice non recouvré est injuste – pourrait apparaitre comme injuste d’un point de vue social, comme un cadeau fait aux entreprises.
- Les solutions
Dans un contexte de crise économique, l’idée d’une nécessité de relance économique par la ré-industrialisation semble admise par les partis de gouvernement (création de la BPI, Ministère du Redressement Productif).
Les difficultés de financement des entreprises sont également prises en considération (CICE et préfinancement OSEO, médiation du crédit).
Ainsi, plutôt que de proposer une réforme globale du calcul de l’impôt, il serait peut-être préférable de proposer deux mesures phares dont le financement pourrait être assuré pour partie par le budget dégagé par la suppression de la TVA interentreprises.
Ces deux mesures seraient :
1 – Un amortissement dérogatoire d’investissement exceptionnel permettant aux entreprises de déduire immédiatement le coût d’acquisition de leurs investissements. Cette mesure serait fortement incitative pour investir. Elle aurait un effet plus marqué auprès de deux catégories d’entreprises :
- - Les entreprises qui ne disposent pas d’une assise financière suffisante pour décider d’investir tout en sachant que le coût de leur investissement ne sera déductible que sur la durée du plan d’investissement sur plusieurs années ;
- - Les entreprises bénéficiaires qui pourraient anticiper leurs investissements pour diminuer légalement leur impôt sur le bénéfice tout en contribuant à la dynamique de relance économique par les investissements ;
- - Cette mesure pourrait être limitée dans le temps (2 ou 3 ans) puis pérennisée afin de maximiser son effet incitatif.
2 – La mise en place de deux prêts de trésorerie accordés par la BPI ou OSEO :
- - Un prêt de financement des stocks (PFS) qui correspondrait à l’impôt relatif au stock (quel qu’il soit à savoir marchandises, matières premières, encours de production ou produits finis). Ce prêt serait accordé sur la base du stock comptable figurant à l’actif du bilan 2012 (ou du dernier bilan pour les entreprises dont l’exercice comptable ne coïncide pas avec l’année civile. Une décote de 15% (à l’instar de celle pratiquée pour le calcul du prêt OSEO relatif au CICE) pourrait permettre de couvrir l’aléa pour la BPI ou OSEO que le stock actuel lors du prêt soit inférieur au stock pris en référence sur le dernier bilan. Le prêt de financement des stocks serait ainsi accordé dans la limite de 85% * stock 2012 * 33,33%.
- - Un prêt de financement des délais de paiements (PFDP) qui correspondrait à l’impôt relatif aux délais de paiements nets (encours clients – dettes fournisseurs et retraité le cas échéant des écritures d’inventaire). Comme pour le prêt de financement des stocks, les données du dernier bilan pourraient être retenues avec une décote de 15% afin de disposer de critères objectifs et disponibles pour une mise en application immédiate. Le prêt de financement des délais de paiements (PFDP) serait ainsi accordé dans la limite de : 85% * délais de paiements nets 2012 * 33,33%.
- - Grâce à ces deux mesures, les entreprises pourraient ainsi bénéficier d’un prêt de trésorerie qu’elles ont du mal à obtenir de leurs banques qui ne sont pas favorables généralement à financer le BFR autrement que par découvert ou mécanismes d’affacturage ou cession de créances Dailly (ces derniers ne concernant que les clients dont les notations sont très bonnes et présentant un coût élevé).
- - Les deux prêts seraient accordés sur la base d’un taux d’intérêt court terme, a priori inférieur à 4% sur la base des taux actuels. L’intérêt serait remboursable mensuellement. Le prêt serait accordé pour une durée courte avec un terme coïncidant avec la prochaine liquidation de l’impôt sur les bénéfices (avril 2014 en matière d’IS ou septembre 2014 en matière d’IRPP pour les entreprises dont la date de clôture est fixée au 31 décembre).
- - Une réforme fiscale de la collecte de l’impôt permettrait par ailleurs aux entreprises de déduire de leur bénéfice imposable leur stock et leur délai de paiement net qui seraient réintégrés l’année suivante. Ainsi, la réforme ne comporterait aucune diminution de l’impôt mais consisterait à faire coïncider l’année de perception de l’impôt avec l’année d’encaissement du bénéfice de l’entreprise. Ce serait par ailleurs un moyen de restituer aux entreprises en période de crise de la trésorerie dont elles ont besoin pour contribuer à la relance économique. L’année de première mise en oeuvre de la réforme, un mécanisme de carry back permettrait enfin aux entreprises de constater une créance sur l’état correspondant à l’impôt antérieurement perçu au titre des stocks et délais de paiement. Cette créance future servirait de garantie à OSEO ou à la BPI et leur serait ensuite cédée lors de la liquidation de l’impôt sur les bénéfices afin de solder le prêt accordé (sous réserve bien sûr le la différence entre le prêt et la créance de carry back déterminée sur les données définitives 2013).
- Les contreparties
La contrepartie de la 1ère mesure consiste en l’acte même d’investissement. L’avantage fiscal est utilisé pour développer l’outil de travail des entreprises.
Concernant la seconde mesure visant les stocks et les délais de paiement, les pouvoirs publics pourraient être tentés de demander une contrepartie aux entreprises nonobstant le fait qu’il s’agit d’une mesure corrigeant une injustice économique. Il faut conserver à l’esprit que le bénéfice de la mesure ne porte que sur l’année de départ puisque les années suivantes, seules les variations de BFR sont concernées. On peut difficilement demander aux entreprises une contrepartie dont le coût serait perpétué sur les exercices suivants. Ainsi, imposer par exemple une obligation d’embauche pour favoriser l’emploi générerait des coûts permanents pour l’entreprise ce qui viendrait réduire sa compétitivité. La seule contrepartie qui semblerait acceptable économiquement serait de jumeler les prêts de financement des stocks et des délais de paiement et la réforme fiscale conjointe avec une réserve réglementée qui aurait pour conséquence d’empêcher les entreprises de distribuer les bénéfices de la réforme. La trésorerie ainsi dégagée par la réforme serait réinvestie dans l’entreprise et dans l’économie et ne seraient pas disponible pour une distribution aux actionnaires.