Mieux mesurer pour mieux décider
Un observatoire économique des entreprises
pour piloter efficacement notre économie
Nous traversons une période de crise profonde pour notre économie et la préservation de notre modèle social. Commentateurs, décideurs politiques et économiques… Tout le monde semble enfin s’accorder sur le constat.
L’essentiel des propositions reste pourtant diffus, pris dans l’inextricable désir de parvenir coûte que coûte à un équilibre budgétaire apparent, de plus en plus fantasmatique. Le recours aux vieilles sentences fiscales fait recette, même si en réalité rien ne garantit plus de leur efficacité.
En attendant, les défaillances d’entreprises ne faiblissent pas, et les statistiques font pâlir. L’année 2012 fut déjà une année noire, avec des taux supérieurs de 50% à ce qu’ils étaient avant la crise de 2008, soit une progression sur un an de près de 2% selon Euler Hermes, pour se situer entre 64 et 65 000 défaillances. Et 2013 promet de voir la hausse continuer… Pour les seules défaillances d’entreprises, 320 000 emplois sont menacés. Autrement dit, rien d’autre à l’horizon qu’une récession accrue, avec un taux de défaillances d’entreprises et de chômage toujours plus grand.
Des politiques et une administration qui méconnaissent les entreprises
L’Etat semble empêtré dans la surproduction d’un cadre légal qui étouffe l’épanouissement entrepreneurial, du fait notamment d’une méconnaissance flagrante du monde de l’entreprise et de ses réalités.
Il ne saurait en être autrement, la plupart des décideurs politiques et de leurs administrateurs sont presque uniquement issus de la (haute) fonction publique, des administrations centrales et des écoles de formation dédiées (ENA, etc.). Il est aisé de le regretter, mais il serait déplacé de leur reprocher.
Par ailleurs, dans les rapports de force opérant au sein même des gouvernements, rien ne semble fait pour que les propositions portées par le ministre délégué aux entreprises puissent rivaliser avec celles des ministres d’Etat. Que pèsent les 10 personnes du cabinet de Fleur Pellerin face aux 22 personnes du cabinet de Pierre Moscovici, et ce sans compter les effectifs de ses deux ministres délégués, soit 50 personnes au total. En comptabilisant la totalité des effectifs employés par ces ministères respectifs, l’écart devient abyssal.
Des politiques et une administration en panne d’outils
Pour autant, ce constat ne se suffit pas à lui-même. Il ne justifie en aucun cas les erreurs majeures dans lesquelles la France a systématiquement plongé ces 40 dernières années, nous conduisant lentement à l’impasse économique qui est aujourd’hui la nôtre.
Le problème réside également dans la méthodologie adoptée, et notamment dans le fait que les décisions arrêtées par l’Etat et ses différentes instances politiques et administratives procèdent trop souvent de loin, sans analyse fine de la situation, sans réelle mesure des réalités du tissu économique français.
En d’autres termes, l’Etat français et ses administrateurs sont en panne d’outils. In extenso, c’est la méthodologie globale qui est biaisée et produit finalement une décision qui relève davantage de la réaction vis à vis d’une opinion publique que d’une mesure ayant trait à la connaissance et à l’intelligence économique. Et il ne s’agit malheureusement pas d’une défaillance isolée du processus décisionnel politique en France, car il en va de même pour à peu près tout ce qui est supposé peser au quotidien en faveur de notre tissu économique et salarial…
Il en est ainsi de la mesure d’un certain nombre d’indicateurs économiques. Du niveau même à partir desquels ces indicateurs sont activés.
Il en était ainsi par exemple de la mesure du crédit en France jusqu’en 2009. La Banque de France ne sondait que l’activité des entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 euros, quand l’INSEE ne la mesurait qu’à partir d’un million et demi de chiffre d’affaires. L’exécutif restait donc aveugle sur la situation économique et financière des TPE et PME. Et cela parce qu’aucun outil en présence ne permettait de mesurer l’activité de ces entreprises, celles qui sont les plus dynamiques en matière de création d’emplois et d’innovations, mais dont le chiffre d’affaire moyen autour de 380 000 euros les condamne à échapper à tous les radars.
Il manquait donc plus que jamais la création de fonds destinés et adaptés spécifiquement au financement des TPE-PME. En sachant que toute action à destination d’acteurs aussi nombreux a des effets de levier et de diffusion à l’économie parmi les plus importants. Le tout sans nécessairement creuser la dette de l’Etat, en privilégiant un meilleur fléchage des ressources existantes plutôt que la mise à disposition de fonds supplémentaires.
En mai 2010, suite aux alertes du CERF et des états généraux de l’industrie, a finalement été créé l’observatoire du financement des entreprises. Il s’agit là d’un progrès certain, mais rien n’interdit de mieux faire. Quatre années après la crise de 2008 et sa contagion à l’économie réelle, personne n’est capable de témoigner fidèlement de l’étendue des dégâts en terme de perte d’activité et d’emplois pour l’ensemble de nos entreprises. Les données brutes existent, mais l’Etat ne dispose toujours d’aucun outil adapté pour recueillir, croiser, analyser ces dernières, et conduire en conséquence une politique adaptée aux besoins de l’économie réelle.
Sortir de l’ornière est possible…
Personne ne semble s’en émouvoir. Il est donc de notre devoir d’entrepreneurs, de créateurs de richesses et d’emplois de ne pas rester le témoin impuissant de ce déclin socio-économique. Il est de notre devoir d’indiquer à nos administrateurs la voie du renouveau. Il en va de notre avenir à tous, celui d’une France de nouveau prospère plutôt que reléguée en queue de peloton des grandes puissances mondiales.
Recréons donc les conditions d’un environnement économique favorable à la prospérité de nos entreprises, et c’est toute notre économie qui en tirera bénéfice. Trêve d’optimisme attentif et passif, place désormais au courage, à l’audace et à la volonté. Il n’est question de rien d’autre pour porter les projets de réformes visant à améliorer l’environnement réglementaire et légal dans lequel les entreprises évoluent et la richesse se crée. Car c’est majoritairement dans ce cadre qu’on trouve les raisons de l’asphyxie des entreprises.
Pour sortir de cette ornière, il nous faut :
- Adapter le pacte de croissance et réformer en profondeur l’organisation du dialogue social pour qu’ils ne soient pas à l’origine de défaillances supplémentaires ;
- Renforcer l’action de la Médiation du crédit et de la sous-traitance qui doit également s’étendre aux fournisseurs afin de mettre en place des solutions globales ;
- Palier la panne d’outils de nos administrateurs pour être en mesure de mieux mesurer l’activité de toutes nos entreprises, pour que les décisions politiques tombent sous la coupe de l’intelligence économique, et que mieux éclairées, elles se conjuguent efficacement au bon sens des chefs d’entreprises.
Un observatoire économique pour mieux comprendre les entreprises et aiguiller efficacement l’économie
Se mettre d’accord sur les solutions à mettre en œuvre nécessite d’être d’accord sur le constat. Et pour constater, il faut mesurer, quantifier.
Ces différents points supposent la mise en place d’un observatoire économique des entreprises. Léger, compilant des indicateurs aussi simples que fondamentaux qui font aujourd’hui défaut à nos ministres en charge des entreprises, ce dernier ne nécessitera aucune déclaration supplémentaire.
Veille |
Nature |
Fréquence |
Géographique |
Inscriptions Banque de France |
T/M/H |
D/R/N |
|
Inscriptions incidents bancaires |
T/M/H |
D/R/N |
|
Demandes de crédits en volume |
Volume |
T/M/H |
D/R/N |
Type |
D/R/N |
||
Refus de crédits | Volume |
T/M/H |
D/R/N |
Type |
T/M/H |
D/R/N |
|
Investissements | Volume |
T/M |
D/R/N/I |
Type |
T/M |
D/R/N/I |
|
Secteur |
T/M |
D/R/N/I |
|
Commandes | Volume |
T |
D/R/N/I |
Secteur |
T |
D/R/N/I |
|
Délais de paiement | Volume |
T |
D/R/N |
Secteur |
T |
D/R/N |
|
Matières Premières (prix) |
T/M |
I |
|
Energie (prix) |
T/M |
D/R/N |
|
Médiation (crédit, sous-traitance) | Nombre |
T/M/H |
D/R/N |
Volume |
T/M/H |
D/R/N |
|
Taille |
T/M/H |
D/R/N |
|
Défaillances TC | Nombre |
T/M/H |
D/R/N |
Secteur |
T/M/H |
D/R/N |
|
Taille |
T/M/H |
D/R/N |
|
Radiation des entreprises | Secteur |
T/M |
D/R/N |
Taille |
T/M |
D/R/N |
|
TVA versée |
Secteur |
T/M |
D/R/N |
Taille |
T/M |
D/R/N |
|
Emploi < 20 | Secteur |
T/M |
D/R/N |
Licenciements motif éco | Volume |
T/M |
D/R/N |
Secteur |
T/M |
D/R/N |
|
Enquêtes emplois | Volume |
T/M |
D/R/N |
Secteur |
T/M |
D/R/N |
|
Revenu des chefs d’entreprise | Volume |
T |
D/R/N |
Secteur |
T |
D/R/N |
|
T : Trimestre ; M : Mensuel ; H : Hebdomadaire – D : Départemental ; R : Régional ; N : National ; I: InternationalMatières premières et énergies sont des produits dont les variations de prix ne peuvent être répercutées en temps réel sur les prix et impactent rapidement les besoins de trésorerie et les marges.Les variations en 2007, puis en 2010 ont été annonciatrices des dégradations d’activité enregistrées en 2008 et 2011.Certaines veilles doivent avoir une fréquence trimestrielle et donner lieu à des communications semestrielles et/ou annuelles. Elles doivent être plus rapprochées selon les variations d’activité et passer en fréquence mensuelle, voire hebdomadaire.
Les indicateurs sont répertoriés à titre indicatif. Pour plus d’exhaustivité, le tableau peut évidemment être complété. |
Concrètement, cet observatoire aura vocation à :
- Fournir les moyens de veiller les facteurs agissant directement sur les entreprises les plus sensibles aux variations de leur environnement ;
- Mesurer rapidement l’impact de ces derniers, afin de donner au ministère en charge de ces questions les moyens de suivre en temps réel les variations susceptibles d’impacter un bassin d’emploi, un secteur d’activité ou l’économie toute entière et, par la suite, de pouvoir agir efficacement.
La crise de 2008 et sa contagion à l’économie réelle aurait ainsi pu être pressentie par la convergence de nombreux indicateurs : hausse du chômage, hausse des besoins en crédit, perte d’activité, etc. Il aurait été ainsi plus aisé d’anticiper sur les conséquences socio-économiques à venir, et d’actionner en réponse les bons leviers.
Adopter un observatoire économique des entreprises permettra donc de prendre la mesure des difficultés réelles auxquelles sont confrontées toutes les entreprises, ainsi que leur incidence sur la croissance et les recettes de l’Etat. Par déduction, les leviers à actionner en réponse à une situation donnée seront plus facilement identifiables.
En d’autres termes, il sera permis de mieux mesurer pour mieux décider !