La représentation dans son ensemble s’est organisée autour de la désignation de tiers auxquels les mandants déléguaient leur pourvoir. En matière syndicale, ce sont les adhérents qui confèrent à leurs représentants ces pouvoirs auprès de l’exécutif et du législateur. Ces structures institutionnelles cohabitaient avec d’autres du même type défendant parfois des intérêts similaires, parfois opposés. Mais ces intérêts peuvent également être divergeant au sein de la même organisation. Et les membres n’ont pas toujours l’impression d’être en prise directe avec leur organisation.
La culture du compromis nécessaire, parfois éloignée des attentes des membres d’une organisation, explique notamment une part de la défiance de ceux que ces organisations sont censés représenter, à cause du sentiment souvent réel de ne pas être associé au processus décisionnel qui conduit à prendre des décisions en leur nom.
Etre adhérent, aussi, ne suffit plus. Quitte à participer, autant participer vraiment et être acteur. Cette revendication est réelle et conduisait, avant l’avènement du numérique, à tenter des expériences alternatives, sinon au repli sur un soi qualifié d’individualisme. L’ère du 2.0 remet en question fondamentalement les institutions dans leur capacité à fédérer et porter une voix de façon cohérente. Car l’intelligence et le pouvoir ne sont plus tant dans les institutions elles-mêmes, même si tout semble encore se passer autour d’elles, mais bien entre les mains de ceux qui sont capables d’initiatives que les outils du numérique rendent accessibles au plus grand nombre. Nul besoin d’adhérer pour que des Pigeons fédèrent en quelques heures plus de voix sur un sujet que les principales organisations représentatives ne sont capables de le faire. Nul besoin d’adhérents pour faire bouger le gouvernement et obtenir gain de cause… L’intelligence et le pouvoir, de plus en plus, sont dans la multitude interconnectée.
Cela pose un défi majeur au Medef, plus qu’à beaucoup d’autres institutions : les patrons sont des initiateurs. Ils ont besoin de pouvoir exercer cette initiative qui garantit la croissance et la prospérité. Le monde patronal doit pouvoir anticiper sur des évolutions réglementaires, économiques, concurrentielles… et influer chaque fois que cela lui est possible pour conserver cette capacité d’initiative, (donc d’investissement).
Le Medef doit donc repenser ses relations avec ses adhérents et ses mandants. A trop nous vivre comme une institution, nous prenons le risque de nous penser fort et en sécurité dans un château fort, alors que l’armement et la stratégie militaire ont évolué et rendu obsolètes les anciennes places fortes. Le numérique doit nous conduire à une révolution pour nos institutions de même nature que celle qui a conduit à passer des châteaux forts aux Châteaux de la Renaissance.
La renaissance de la représentation patronale passera par une utilisation judicieuse du numérique qui fera entrer le Medef dans toutes les entreprises. Il s’agit d’augmenter les points de contact, de renforcer la visibilité de l’action, de permettre au terrain de se saisir de l’outil quand il en a la disponibilité et non quand les pont levis sont baissés, donc quand les bureaux du Medef sont ouverts. Ouvrir par le numérique permet de supprimer les douves et les remparts qui coûtent cher à entretenir. Ouvrir par le numérique permet au contraire d’augmenter le rayonnement. Ouvrir par le numérique, c’est faire du Medef un carrefour d’échanges qui produit sa propre valeur, comme autrefois les comptoirs sur les routes commerciales… Ouvrir par le numérique c’est récupérer et valoriser des données, c’est créer le sentiment d’appartenance et lui donner corps, c’est diffuser de l’information… un syndicat est un medium et un medium, au 21ème siècle doit devenir un média.
L’Innovative Democracy c’est l’intégration dans le mode managérial et organisationnel de la notion d’interdépendance en s’appuyant sur une démarche interne dont les effets se mesurent également à l’extérieur.