Depuis 2008, les crispations quant à un effet de contagion de la crise financière vers l’économie réelle n’ont pas manqué. Et pourtant, aucun responsable politique n’a eu le courage, ou ne s’est laissé convaincre de la nécessité d’entreprendre les réformes structurelles drastiques qui s’imposaient, comme l’Allemagne a su le faire préalablement en son temps.

Quatre années plus tard, la réalité économique nous rattrape et balaye d’un revers de main le déni qui fut trop longtemps le nôtre. Ce qui pouvait donc être anticipé, pensé et vraisemblablement évité est aujourd’hui subi. L’État est surendetté et n’a d’autre choix que de se refinancer sur les marchés financiers, le système social auquel nous sommes si attaché est directement mis en péril, les défaillances d’entreprises en cascade viennent inexorablement alimenter un chômage de masse qui a dépassé la barre symbolique des 10% de la population active. Soit plus de 3 millions de personnes sous perfusion directe de pôle emploi, et dont les perspectives professionnelles restent très incertaines.

Dans ces conditions, comment se satisfaire du fatalisme qui veut qu’au bord du précipice, l’on privilégie encore et toujours les solutions palliatives aux remèdes ciblés. Car se contenter vainement de soulager une France agonisante, c’est bel et bien acter passivement son inéluctable déclin.

A la prise de conscience doit donc succéder la prise de décisions. 2013 doit être une année de renouveau, une année de mise en action de réformes structurelles de fond. Sans quoi, c’est la survie même de notre système politique, social et économique qui sera menacée par la grogne populaire à venir.

La dégradation du tissu économique, les faillites en chaîne et le chômage de masse ne sont pas une fatalité. L’endettement nourri depuis plus de 30 ans n’a pas été utilisé à bon escient, et n’a en conséquence pas généré les revenus nécessaires. L’heure pour l’État est donc nécessairement à la restriction des dépenses et la réduction de son train de vie. Or, la répartition des efforts pour atteindre l’équilibre budgétaire en deux tiers (entreprises et particuliers), un tiers (Etat), démontre encore une fois la difficulté que nous avons à sortir de notre modèle économique de répartition et de redistribution, lorsque ce dernier devrait en réalité viser la production et l’investissement.

Car miser principalement sur la hausse des prélèvements obligatoires pour restaurer l’équilibre budgétaire, c’est affaiblir un peu plus des entreprises déjà fragilisées, souffrant d’un manque de compétitivité, et par conséquent d’un positionnement inefficace en termes de part de marché à l’échelle mondiale. Car faire subir aux entreprises une injuste pression fiscale et faussement sociale, c’est aussi et surtout condamner l’activité économique, et donc le futur de tous les salariés français.

Il faut donc cesser de stigmatiser l’entreprise, d’en faire le lieu commun de tous les maux et l’inépuisable réservoir financier de toutes les solutions. Il nous faut changer de cap, dynamiser le secteur productif dans un souci de retour à l’activité, et par conséquent à la croissance, au plein emploi et à la restauration d’un véritable pouvoir d’achat. Les marges de manœuvre existent, qu’attendons-nous pour en actionner les leviers ?

A l’État de prendre désormais ses responsabilités s’il ne veut pas faire de notre nation un pays cantonné en queue de peloton des puissances mondiales. A lui de supporter majoritairement les efforts supposés conduire à l’équilibre budgétaire (au moins à hauteur de deux tiers) par une véritable réduction de ses dépenses, plutôt qu’une simple stagnation de ces dernières qui, au regard de l’inflation, occasionnera mécaniquement un surcoût de fonctionnement.

Parallèlement, il se devra nécessairement de soutenir l’appareil productif, c’est à dire la substantifique moelle du tissu économique français, toutes les entreprises ! Des grands groupes aux TPE, en passant par les PME et les ETI. Car la destruction quasi endémique de nos unités de productions ne peut plus durer. Il nous faut donc agir en faveur d’un retour généralisé à l’activité, et vite.

Agir directement sur le cœur de l’activité des entreprises, en favorisant notamment le développement de coopérations économiques et sociales (prêt de main d’œuvre par exemple), en encourageant également les médiations entre acteurs économiques  (banques, donneurs d’ordre, fournisseurs, etc.).

Agir en faveur d’un crédit d’impôt qui ne se contenterait pas, chichement, de prévoir le reversement a posteriori (deux ans) de l’équivalent des impôts nouvellement votés sur le cours d’une année.

Agir par la réduction drastique des prélèvements obligatoires, parmi les plus élevés d’Europe. Et réorienter ainsi les liquidités vers les entreprises, plutôt que de les priver du peu de fonds dont elles disposent.

Agir par la remise à plat d’un mécanisme de perception en amont de la TVA qui plombe la trésorerie des entreprises, les contraignant à emprunter à des taux exorbitants aux banques, et précipitant la faillite de nombre d’entre elles. Alors qu’il serait simple et aisé de percevoir directement cette dernière sur le prix final, évitant de fait les fraudes qui constituent un manque à gagner de l’ordre de 10 milliards d’euros par an pour l’État. Sans oublier un allègement en termes de coût de fonctionnement, de l’ordre de 300 millions d’euros par an pour Bercy.

Agir par l’assouplissement d’un marché du travail beaucoup trop rigide. Autrement dit, repenser les règles de licenciement, non pas pour se séparer plus aisément des salariés, mais pour réduire l’aléa judiciaire (près de 40% des défaillances d’entreprises trouvent leur origine dans une condamnation prud’homale, dont l’essentiel relève de problèmes de forme), et donc faciliter le recours à l’embauche.

Agir par la mise en place d’un impôt susceptible de profiter aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises, plutôt que de miser sur une politique fiscale confiscatoire
. Le Conseil Constitutionnel vient de débouter l’impôt à 75% sur les tranches de revenus supérieures à 1 million d’euros. Pourquoi dans ce cadre, ne pas repenser l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en un nouvel ISF, l’investissement solidaire de fortune. L’État pourrait alors agir directement en définissant la politique de financement des investissements des entreprises, secteurs ou territoires qu’il souhaite soutenir, en s’appuyant sur l’expertise de ceux qui ont su développer leur capital. Le tout en évitant le caractère confiscatoire de l’impôt, puisque le l’investisseur resterait propriétaire de son capital. Assortie de la levée des plafonds, cette mesure permettrait de mobiliser au service de la politique économique plus que les 4 milliards d’euros qui concernent actuellement l’Impôt confiscatoire de solidarité sur la fortune.

Les leviers du retour à l’activité existent, ils sont nombreux. Reste aux acteurs en présence (État, organisations patronales, syndicats salariés) de faire de celle-ci leur impérieuse priorité et prendre en considération la nécessité de libérer les entreprises, de les rendre agiles. De décider ensemble de dédiaboliser l’entreprise, de la réconcilier avec le salarié, plutôt que de priver ces deux derniers de leurs ressources pour remplir les caisses d’un État dispendieux, et ainsi assécher l’investissement, l’embauche et le pouvoir d’achat.

Les temps ne sont donc pas à la division, mais au rassemblement. Politiques, organisations patronales et syndicats salariés doivent aujourd’hui s’entendre pour relancer la machine économique française en panne. Une position qui suppose évidemment la construction de nouveaux cadres de négociation, favorisant une prise en compte des spécificités inhérentes à chaque secteur professionnel, ainsi que l’implication de chaque entreprise et de ses composantes dans la relance de la compétitivité, du retour à la croissance, et donc de l’emploi.

La négociation interprofessionnelle qui s’opère depuis l’après-guerre doit laisser place au changement, à la prise en considération des contingences propres à chaque secteur professionnel. C’est désormais l’entreprise, et elle seule, qui doit être replacée au centre de l’espace décisionnel, devenir le lieu commun de la production des normes sociales applicables.

Dans ce cadre nouveau, le monopole des « Trois » (Medef, CGPME et UPA) n’a plus lieu d’être. Ces organisations seront donc appelées à occuper le terrain de ce qui aurait dû être leur place originelle, à savoir celle d’organisations dont le seul rôle devrait être celui de représentants économiques au service de toutes les entreprises, notamment par la création de services appropriés.

Si pour l’instant les automatismes consistant à prélever les richesses priment sur la logique visant à en favoriser la création future, rien n’interdit de penser et d’instaurer une réforme salvatrice en cette nouvelle année 2013. Elle seule permettra qu’ensemble, politiques, chefs d’entreprise, organisations patronales, syndicats salariés et salariés, nous soyons les acteurs du redressement économique français de demain, dont dépendent l’emploi et le financement de la protection sociale.

 

Hervé Lambel,
Candidat à la présidence du Medef.

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