Laurence Parisot fait campagne pour modifier les statuts du Medef et pouvoir se représenter à la présidence du Medef. En dehors de l’aspect technique, est-ce démocratique ou non, elle le fait nous indique-t-elle parce que la situation est grave et que face aux défis, si ce ne sont les turbulences, qui pointent, elle entend faire valoir l’excellence de son bilan. Et non contente de le faire valoir elle-même, il se trouve des relais pour le souligner, rappelant au passage qu’aucun candidat déclaré n’a remis ce bilan en cause. Tous allant même jusqu’à le saluer. Je pense que c’est parce qu’ils sont nombreux à le partager.

Certains journalistes ont fait remarquer que l’on me donnait peu la parole et que j’étais tout aussi peu connu. C’est partiellement vrai. Ceux qui me connaissent savent mon implication dans le monde patronal et le combat que je mène depuis des années pour la défense des entreprises et de l’entrepreneuriat.

Je profiterai donc des quelques tribunes auxquelles j’ai accès pour dresser un bilan qui sera bien sûr très différent de celui qui est brandi pour justifier l’actuel brouhaha, peu glorieux il faut le dire, qui tient lieu de campagne pour la présidence du Medef. J’ai bien précisé quelques tribunes, car une seule n’y suffira pas. Et j’en oublierai certainement, tant il y a de choses à dire. Toutefois, une réalité ne pourra être occultée : l’effritement continu de l’image comme du rôle du Medef auprès des patrons, qui n’a d’égal que la dégradation de la situation économique du pays, d’une part et la montée du populisme, d’autre part.

Si le lien entre le medef et la situation économique peut sembler évident, et s’il ne s’agit pas de lui en faire porter l’entière responsabilité, celui avec le populisme l’est moins. Et pourtant… je commencerai donc par celui-ci, puisque Laurence Parisot, qui explique ne pas faire de politique, malgré ses soutiens affirmés pendant la campagne présidentielle, a également écrit un livre qui prétendait lutter contre l’extrémisme.

Il est à rgretter qu’elle ait pu oublier de relever les causes de ce populisme et de la montée des extrêmes. Elle aurait fait l’économie d’un livre et aurait pu se consacrer pleinement à l’écoute de ses mandants et entendant le mécontentement qui grondait, aurait apporté les bonnes réponses. Car à bien écouter les Français et pour ce qui nous concernent ici, les chefs d’entreprises, la plupart expliquent leur attrait pour les extrêmes parce qu’ils ne se considèrent ni entendus, ni compris par les responsables politiques, qu’ils soient au gouvernement ou au parlement. Et c’est malheureusement assez vrai. Mais est-ce leur faute ? Car ils écoutent, eux, en réalité beaucoup, font des réunions, réunissent des commissions, reçoivent les partenaires sociaux… et prennent les décisions que contestent pour l’essentiel les chefs d’entreprises. Parce que ce ne sont pas les chefs d’entreprises qui ont été entendus, mais des organisations patronales qui ont échoué à faire entendre la voix de leurs mandants. Et là est la première responsabilité du président du Medef dont l’action est contestée à plus de 70% (1).

Il ne s’agit pas ici de manifester ou de s’opposer. Mais de porter légitimement une parole dans laquelle les chefs d’entreprises se reconnaissent parce qu’elle répond à leurs besoins.

Ce n’est pas le cas. Sur ce point, la présidente de la première organisation patronale a échoué : il suffit pour s’en convaincre d’analyser la monté du vote extrême chez les dirigeants d’entreprises.

Année après année, les chiffres de la syndicalisation ne cessent de désespérer, conduisant la France à occuper une place particulière en Europe et dans le monde, où le dialogue social est parmi le plus important et le plus contraignant tout en relevant d’organisations en déficit chronique d’adhérents. Toutes les études dénombrent à peu près 8% d’entreprises adhérant à une organisation patronale. Sans progression notable. La légitimité des partenaires sociaux et des accords qu’ils signent sont ainsi de plus en plus contestés.

La présidente de la première organisation patronale a échoué à intéresser et faire participer les patrons aux organisations qui font le dialogue social financé par le paritarisme à hauteur de 5,5 milliards d’euros. Le Medef étant lui-même financé à plus de 50% sur fonds publics.

Mais la défiance ne s’exprime pas seulement par le manque d’adhésions : les taux de participation aux élections professionnelles (CCI, CMA, Prud’hommes, RSI…) sont dramatiquement bas. Parmi les dernières en date, les élections aux Chambres de commerce et d’industrie, fin 2010, ont rassemblé à peine 17% de votants… en baisse par rapport aux élections précédentes de plusieurs points. Et pire, le Medef a perdu de nombreux mandats lors de cette élection. Dans le même temps, l’organisation patronale que je dirigeai à cette époque, le Cerf, faisait son entrée dans les Chambres de Commerce, démontrant qu’il est possible de mobiliser les patrons sur des propositions qui les intéressent.

La présidente de la première organisation patronale a échoué à mobiliser et faire progresser son organisation dans la représentation consulaire dont le budget s’élève pour les seules CCI à 4,5 milliards d’euros.

Le monde patronal attend et espère beaucoup. Mais il prend aussi l’initiative. C’est ainsi que les associations d’entrepreneurs, les clubs, les ONG de toutes sortes sur tous types d’actions se créent partout en France, en marge des mouvements patronaux représentatifs dans lesquels ils ne trouvent pas l’espace pour exprimer cette créativité au service de l’entrepreneuriat, de la création de richesse et d’emplois. La majorité des initiatives disent  se heurter à l’immobilisme des grandes organisations.

La dernière en date, sur le sujet grave de la fiscalité, est le mouvement des pigeons. Il marque l’arrivée d’une nouvelle forme de mobilisation et de représentation, capable de fédérer de nombreux chefs d’entreprises autour de sujets cruciaux sur lesquels les organisations patronales sont absentes, voire défaillantes.

La présidente de la première organisation patronale a contribué à créer les conditions d’une expression patronale en dehors des organisations représentatives.

Au rythme impulsé par la présidente sortante pendant ses deux mandats, le Medef coure le risque de se voir déborder par d’autres organisations qui seraient plus en phase avec la réalité économique et les attentes des dirigeants d’entreprises.

Sur la représentativité et la position du Medef, les deux mandats de Laurence Parisot enregistrent un bilan qui interdit le moindre satisfecit.

Pour la suite du bilan, à lire dans la prochaine tribune…

(1) Enquête Opinion-Way Fiducial 2010 page 13

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